Introduction
Le 18 mars 2020, suite aux évènements liés à la Covid, la banque déclare qu’elle suspend la cotation et les échanges de ses certificats d’action. En effet, dans la foulée de la panique boursière du printemps, la banque stipule que le nombre de vendeurs est trop important et gèle les transactions en attendant d’y voir clair. Le buffer utilisé à ce moment est 20 millions sur 28. La banque décide d’arrêter toute transaction et de conserver 8 millions pour un prochain redémarrage (ce que l’on apprendra que bien plus tard). Fin juin, elle monte la capacité du buffer à 3 %, c’est-à-dire à 36 millions.
Problème n° 1
Dans sa documentation et son questionnaire de connaissance à remplir par les futurs acquéreurs, la banque stipulait : La Banque Triodos peut racheter jusqu’à un maximum de 2 % (ndlr : passée à 3 % en juin) des certificats d’action émis. Au-delà de cette limite, mes certificats d’action de la Banque Triodos ne seront vendus que s’il y a des acheteurs. Un texte dans la droite ligne des indications qu’on trouvait dans les prospectus antérieurs.
En clair, non seulement, la banque signalait que pour arrêter les transactions, il fallait atteindre la limite, mais que d’autre part, qu’elle organiserait alors un système d’achat / vente, sans toutefois y prendre financièrement part, tant que le marché ne se serait pas rétabli. Or, ce n’est pas du tout cela qui a été appliqué. La banque n’a pas atteint la limite, n’a pas établi de système de secours et surtout a exclu tant les acheteurs que les vendeurs. Pourtant, laisser les premiers sur le marché n’aurait gêné personne, au contraire ! Même si le prospectus d’émission complet (63 pages en anglais et bourrées de termes techniques) signalait que la banque pouvait prendre toutes les mesures qu’elle jugeait adéquates dans la cadre de la gestion des transactions, nous savons parfaitement que ce n’est pas le prospectus (que bien peu de gens arrivent à lire vu son côté rébarbatif) qui faisait foi, mais l’information mise sous le nez des détenteurs. Et cette information-là était celle que nous avons lu (voir article précédent).
Problème n° 2
En arrêtant toute transaction, la banque n’a sciemment pas voulu mettre en place un système temporaire d’achat / vente en first in / first out (voir encadré ci-dessous). Elle a même passé sous silence que les transactions privées (ventes de gré à gré) étaient possibles (et elles le restent). De ce fait, elle a volontairement emprisonné les détenteurs et les a obligé à suivre ses raisonnements, sans qu’ils ne s’en rendent compte, d’ailleurs.
En réponse à ces critiques, un collaborateur de Triodos Bruxelles a répondu que la banque a estimé qu’il faudrait trop de temps pour revenir à un marché équilibré, ce qui justifiait le rejet du système first in / first out, sans compter que la mise en place d’un tel système était trop difficile et qu’il y avait un risque d’augmentation des ventes. Donc, non seulement la banque était totalement consciente de la possibilité de mettre en place ce système, mais on a vu ce que son rejet a donné :
- elle a mis plus de trois ans pour remettre en route un système de transaction bancal et inadapté (sauf à elle), le MTF;
- et question de marché équilibré, on a vu mieux !
Bref, à partir du moment où le prospectus officiel indiquait, on l’a vu, que la banque pouvait déroger aux règles, pourquoi n’a-t-elle pas bloqué seulement les ventes et laissé les achats ouverts ? Conjugué (on non) à un système « First in / First out », cela aurait au moins laissé une ouverture pour de l’air frais. L’impression laissée aux détenteurs n’aurait-elle pas été meilleure ? Celle qu’elle laisse profondément est donc qu’il y a eut volonté de casser le jouet. Conjugué à une communication déficiente, elle a donc volontairement induit le doute, l’incertitude, l’impatience, voire la colère dans la tête des détenteurs au lieu de leur laisser une zone ouverte, même restreinte.
Problème n° 3
En 2008, en pleine crise bancaire, la banque a largement montré sa capacité à affronter des situations délicates, du fait même de son positionnement durable et non-spéculatif. Le nombre de clients a grandement augmenté à cette époque et dans les années qui ont suivi, ainsi que le nombre de détenteurs de certificats.
Alors, comment expliquer ce mouvement de panique au moment de la Covid ? Y avait-il vraiment tant de vendeurs particuliers que cela, où était-ce l’un ou l’autre institutionnels qui aurait été privilégié ? Plus d’un le pensent car les illogismes se cumulent dans ce rapport acheteurs / vendeurs dont on ne nous a rien dit de bien concret. Ce contre-courant a aussi été observé en octobre 2020, lors de la reprise des transactions. Alors que les bourses remontaient, la banque a clôturé définitivement les transactions début janvier 2021.
First in / First out
La méthode du premier entré, premier sorti (en anglais First In, First Out ou FIFO) est employée en gestion pour désigner une méthode de gestion des stocks, et en comptabilité une méthode de valorisation d’actifs. Dans le cas des transactions Triodos, l’idée est plus simplement de dire que tant que la banque ne remet pas en route son buffer, les acheteurs et les vendeurs se mettent sur une liste d’attente. Le premier acheteur indique combien de titres il veut acquérir. De l’autre côté, sans intervenir financièrement, la banque signale au premier vendeur qu’un acheteur se présente. S’il n’a pas assez de titres à vendre, on passe au vendeur suivant. Les listes sont établies en fonction de l’ordre d’arrivée de chacun. Évidemment, ce système est plus complexe administrativement, mais il a au moins le mérite d’exister et de ne pas présenter une situation de blocage.