Faut-il vendre ses certificats sur Euronext ?

La question revient régulièrement : « Monsieur Poncé, qu’est-ce que je dois faire ? ». La réponse est simple : je n’en sais rien ! Ou plutôt : pourquoi devrais-je le savoir ? Si en tant que courtier spécialisé en placements durables, je puis effectivement apporter un conseil à mes clients, c’est dans le cadre d’une relation professionnelle suite à souscription de produits d’assurance. Ce que le certificat n’est pas.

L’idée que je développe ici est donc la manifestation d’un avis personnel, donné sans engagement, et que chacun devra adapter à sa situation propre, que je ne connais pas. Dès lors, à l’approche de la cotation sur Euronext, faut-il vendre ses certificats ?

La réponse sera apportée par deux considérations :

– Avez-vous besoin de liquidités ?

– Souhaitez-vous sortir de cet imbroglio ?

Quelles liquidités ?

Il ne faudra sans doute pas se faire d’illusion quant aux bénéfices que la cotation Euronext pourra apporter. Certains y voient déjà la promesse d’un futur radieux qui leur permettra de récupérer leur mise… en oubliant qu’ils seront les premiers à peser sur le cours par leur vente. Les autres s’inquiètent d’une chute possible, parce que c’est Euronext et donc de la spéculation. On ne peut pas leur donner tort. De là à se dépêcher de vendre via Captin, il y a un pas que je ne franchirais pas, d’autant que le système de vente par enchère sera mort le 11 juin, dernière cotation à l’ancienne. En fait, il est probable que le cours sur Captin soit l’indicateur d’un cours stabilisé autour de 25 à 30 €.

Bref, il faut se demander pourquoi le cours pourrait monter via Euronext ? La banque n’a déjà de cesse de vous dire qu’elle contacte des intervenants professionnels pour qu’ils achètent et soutiennent le cours. Peut-être, mais on sait que les amis de Triodos ne sont pas légion, cela a été démontré à foison antérieurement. Et aucune institution ne va aller s’empêtrer dans des achats qui ne lui rapporteraient pas quelque chose en retour. Avec Triodos, cela reste un avenir incertain et tout manager un peu au courant sait que Triodos ne lâche rien si elle n’y trouve pas son compte, quitte à laisser ses partenaires sur le carreau.

Par ailleurs, en complément de la fameuse réduction de valeur « Fair value » à 59 €  initiée par Triodos et les consultants appelés à la rescousse, diverses sources ont calculé qu’un cours réaliste se situait entre 30 et 40 €. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces sources se mettent à la place d’un investisseur lambda. Et celui-ci mettra dans la balance le cours, les perspectives et le dividende. Pourquoi croyez-vous que Triodos a fait ses effets de manches en annonçant une augmentation des revenus et des dividendes ? Ce qu’on appelle le rapport cours / bénéfice reste une donnée essentielle pour l’investisseur qui n’aura rien à caler de l’aspect durable de la banque. Si je sais lire le site dividendinfo.nl, les investisseurs avertis aussi. À vos calculettes, c’est collector !

Rappelons qu’on est sur Euronext et que ce n’est pas exactement l’endroit de réunion des aficionados de la durabilité. Oui, le marché sera plus ouvert que sur Captin (ce n’est pas difficile), et oui, il y aura plus de monde pour traiter les titres. Justement, le danger est là. En sachant qu’en achetant un titre sur Euronext, vous ne financez plus la banque (votre argent va dans la poche d’un vendeur et tout au plus, vous soutenez Triodos en lui donnant une bonne image), pourquoi un investisseur fondrait-il sur le certificat comme si c’était l’opportunité du siècle ? On remarquera au passage de cette réflexion qu’il est piquant de constater que par cette cotation, Triodos favorise très concrètement la spéculation. Moi je dis : bravo !

Par ailleurs, qui pourrait penser que la banque est une start-up promise à un avenir exceptionnel ? Réveillez-vous ! C’est une banque, pas Nvidia ! Et en plus, une banque durable, de quoi ralentir sa croissance par des choix économiques qu’elle ne fait pas. Pourquoi le cours s’envolerait-il ? Et pourquoi croyez-vous que la banque stipule qu’avec le temps, le cours pourra se stabiliser, sans dire à quel niveau, et en combien de temps… ?

Enfin, il est un dernier élément qui va peser sur le cours : les vendeurs. C’est normal, me direz-vous, mais pourquoi y aurait-il plus de vendeurs que d’acheteurs ? Tout simplement parce que c’est la banque elle-même qui nous l’a dit ! En mars 2020 et en janvier 2021, elle a fermé les transactions à cause d’un flux de vendeurs qui n’arrêtaient pas de toquer à la porte, les salauds ! Du coup, comme on n’a pas franchement vu des volumes de transactions de dingue sur Captin, on peut légitimement se dire que tous ces vendeurs, ils sont toujours là à attendre un cours suffisant pour se délester de leur titres.

Si ces vendeurs ne se présentent pas, malgré le temps passé, on devra en conclure que la banque nous aura menti. S’ils se présentent, la question sera donc de savoir combien ils sont, et à quels cours ils vont vendre. Je n’ai pas de réponse à la première question. Il est toutefois possible d’approcher une réponse plausible à la deuxième. En effet, compte tenu du prix d’achat (tout le monde n’a pas acheté à 84 €), des dividendes payés, de l’indemnité de 10 €, des éventuelles récupérations fiscales, de l’inflation et d’un rendement sur compte épargne à titre comparatif, il est probable que si le cours atteint 50 €, il y aura un mouvement de bascule à la baisse. Pour autant qu’il y ait suffisamment d’acheteurs pour déjà pousser le cours jusque-là…

Rester pour rester, sortir pour sortir

Rien ne vous empêche de rester à couvert, en attendant que l’orage passe. C’est ce que la banque préconise, d’autant que ça ne lui coûte pas grand-chose, c’est votre argent, après tout ! Et force est de constater que beaucoup de détenteurs n’ont que peu de certificats et ne se sentent donc pas trop concernés par tous les aléas vécus depuis 2020. Ils n’y comprennent rien et ne les ont pas suivis. Ils agissent un peu comme avec certaines parts de coopérative qu’ils ont achetées pour apporter un soutien, en se disant carrément que s’ils perdaient tout, ce ne serait qu’une bonne action de faite.

Oui, mais Triodos n’est pas une coopérative, et le passif n’a pas été du goût de tout le monde. Pour beaucoup aussi, il y a une amertume qui s’est insinuée dans le paysage. À 50 €, de nombreux détenteurs se diront sans doute qu’ils ont suffisamment payé en problèmes pour sortir sans trop de casse. La question du ventre mou apparaitra vraisemblablement à ce moment. Le ventre mou, c’est la masse des détenteurs qui n’ont jamais bougé, et c’est principalement celle qui a pris les 10 € de l’indemnité Triodos. À ce jour, ils sont 43 % à l’avoir fait. Ce sont autant de personnes qui pourront potentiellement vendre leurs titres. Ce danger-là peut faire très mal.

Le lecteur assidu se posera dès lors la question de savoir s’il ne faut pas vendre avant ces 50 € ? Bonne remarque à laquelle je ne puis apporter aucun complément d’information. Parce que comme je l’ai dit dans un article récent, je me trompe peut-être complètement.

Soyons clair : je ne souhaite pas la mort de Triodos par une descente aux enfers sur Euronext. Mais qu’on ne me mette pas sur le dos une décision que la banque a prise toute seule, absolument pas obligée par les évènements, mais sans doute fortement poussée dans le dos par ses autorités de contrôle (voir mon rapport Domino-party). Il faut juste être conscient que la cotation en bourse ouverte est loin d’être innocente. Elle aura des conséquences, déjà rien que par l’aspect spéculatif qu’elle apporte. Avons-nous acheté des certificats pour favoriser l’appât du gain et la volatilité ? Non, et la banque le sait très bien, même si elle s’empresse de s’en cacher derrière certains jugements purement factuels donnés à l’emporte-pièce.

Un impact sur l’action collective ?

Finalement, peu importe l’évolution du cours. Ce qu’il faut se demander, c’est si cela aura un impact sur notre action collective. Oui, si le cours monte soudain à un prix qui ne vaudrait plus la peine qu’on se batte. La banque en serait fort satisfaite et ce d’autant qu’elle n’aurait rien fait pour arranger les choses. Mais qui peut croire à cette version ? Si le cours reste +/- stable, ou ne monte pas suffisamment pour faire une différence, cela sera bon pour les membres de l’action collective.

Mais quoi qu’il en soit, la vente de vos titres n’aura pas d’impact direct sur le collectif. Et si vous en êtes membre, vous pourrez parfaitement rester dans cette action juridique. Il faudra juste bien conserver vos documents de vente et informer notre avocat de cette opération.