La bolsa o la vida

(Un avis)

Nous avons pu obtenir le premier jugement de la cour suprême espagnole que Triodos s’est enorgueillie de clamer à tout va comme une victoire. Et celle-ci était à la Pyrrhus ?

Bien que les éléments du procès aient sans doute été apportés trop tôt, ceci expliquant cela, il faut reconnaître que le jugement est étonnant dans ses arguments. Nous les avons bien sûr lus attentivement et argumentés auprès de notre avocat. Nous n’allons revenir ci que sur un point particulièrement frappant, à savoir l’acceptation de la notion boursière en lien avec Triodos.

En effet, même les plus serviables laquais de la banque admettent qu’aller en bourse aujourd’hui est contre nature et que c’est une solution par défaut acceptée afin d’avancer vers des lendemains radieux. Que ceux-là tentent de justifier leur servilité est une chose, mais qu’un tribunal se mêle de prendre position en est une autre. Que nous dit le jugement (sur base de la traduction que nous avons reçue) ?

Comme le souligne à juste titre la partie défenderesse, l’argument selon lequel l’investisseur n’aurait pas consenti s’il avait su que le système de cotation pouvait être modifié en un système similaire à celui de la bourse est tout à fait artificiel. En effet, un tel changement a été effectué précisément au bénéfice des investisseurs, compte tenu du blocage du système interne, et il est difficilement plausible de soutenir qu’il n’aurait pas consenti à une mesure dont le but était précisément de faciliter la liquidité de l’investissement. Par conséquent, cette allégation n’est rien d’autre qu’une tentative ex post de renverser ce qui a été prouvé, à savoir que le client était dûment informé et qu’il connaissait et acceptait les risques.

Ce texte est absolument abominable parce que la cour méconnait le fait que le remplacement du système interne par un système boursier est un point tout à fait essentiel !

Si les investisseurs ont acheté des certificats, c’est non seulement pour soutenir la banque, mais pour soutenir une institution qui se démarquait du schéma bancaire traditionnel, en finançant des activités durables et en rejetant fermement la spéculation boursière. Or, pour un investisseur “durable”, si le rejet boursier n’est pas un mantra, vu tout ce que l’aspect spéculatif emporte avec lui en termes de dérives sociales et environnementales, il est quand même sacrément important ! C’est dès lors une des raisons pour laquelle les investisseurs choisissaient les certificats : un cours historique en montée lente mais régulière (certes sans garantie pour le futur), et l’absence de volatilité boursière. C’est pour cette même raison qu’il y a eu une vague d’achat après 2008 ! L’affirmation du jugement montre une totale méconnaissance des raisons qui ont poussé les investisseurs à acquérir des certificats. La cour se replie purement et simplement sur une pratique bancaire classique, ce qui est totalement hors contexte pour un détenteur.

Quant à l’argument comme quoi le changement de système est à l’avantage du détenteur, il est manifestement incongru vu toute la réticence initiale que les groupes de défense ont manifestée à cet égard. La cour soutient ici le discours que la banque a eu dès le départ, à savoir « Notre but est de rétablir la cotation, peu importe le coût, surtout si c’est vous qui le supportez ! ». Mais ce soutien à la cotation boursière est parfaitement absurde. Si le cours plonge à 10 €, la cour dira-t-elle que c’est bien parce qu’on pourra vendre ? C’est effectivement ce que Triodos a toujours dit, sans gêne aucune.

Et puis surtout, cette affirmation de la cour est en contradiction avec les faits : la cotation sur Captin a été un désastre et même Triodos a dû le reconnaître vu son changement d’opérateur. Le changement de cotation n’a pas été fait au bénéfice de l’investisseur, mais à celui de Triodos ! Par ce changement, en ayant reçu le prix des certificats à valeur comptable et en se déchargeant d’une cotation interne qu’elle a jugée problématique, seule la banque tire les marrons du feu.

Enfin, la cour ignore superbement le fait que toutes les autres options de négociation ont été purement et simplement rejetées par la banque, sans explications valables ! On les attend toujours…